Ca dit tout, ça résume. J'aurais pas pu trouver mieux...

"Dire", "parler", "révéler" a toujours été difficile pour moi [...].
Durant les années de l'adolescence, au moment où, quittant ma peau d'enfant pour enfiler celle d'une jeune fille -comme on se débarasse d'un vêtement trop étroit ou vieillot pour revêtir une tenue convoitée dans la vitrine d'un magasin branché- cette  "incapacité à dire" s'est tellement accentuée que j'ai eu la sensation d'avoir un cadenas sur les lèvres. Un cadenas dont j'avais pourtant la clé sur moi en permanence, quelque part dans une poche secrète, mais qu'il m'était impossible de manier.
Dire que je me sentais mal ? Non motus.
Répondre à une insulte, une agression quelconque ? Impossible.

 
Tricher, mentir, camoufler. M’enfermer dans une espèce de bulle.
M’enfermer aussi à de multiples reprises dans les toilettes… Pour pester contre cette vie dont je ne veux plus, contre moi-meme surtout. Moi qui me suis scellé les lèvres toute seule. Moi qui suis incapable de donner le tour de clé nécessaire à la liberté, alors que j’en aurais la possibilité à tout moment. Pourquoi ?... Je n’en sais rien. Ce mutisme est un des mystères de l’adolescence –la mienne en tout cas.

Extrait de "Douée pour le silence" de Sarah Cohen-Scali
Collection "Confessions"

Pix Ekztazy